La France a découvert Pierre-Gilles de Gennes le 16 octobre 1991. Ce jour-là, l’Académie des Sciences suédoise lui a décerné le prix Nobel de physique, justifiant notamment sa récompense en le qualifiant de "véritable Isaac Newton de notre temps". On a appris alors que cet homme de 59 ans était mondialement reconnu comme le théoricien des "matières molles". La matière molle, c’est le monde de la matière situé entre l’état solide et l’état liquide : les cristaux liquides, les polymères, les lubrifiants, les colles, les mousses ; un monde dans lequel nous baignons concrètement et quotidiennement ; si quotidiennement, si banalement pourrait-on dire, que nous ne percevons pas les mystères et les énigmes qu’il recèle : Pourquoi la colle colle-t-elle ? Pourquoi les détergents lavent-ils ? Comment l’étude du comportement des huiles que nous utilisons dans nos voitures peut-il permettre d’éviter des pollutions catastrophiques, voire de les combattre ? C’est en essayant de comprendre ces énigmes - et bien d’autres plus complexes - que Gilles de Gennes poursuit cette grande aventure de la connaissance qui est celle de l’exploration de la matière.
Ce choix de la matière molle est aussi une illustration de la démarche volontiers atypique de Gilles de Gennes. Dans le monde bien cloisonné et hiérarchisé de la recherche, il a choisi de transgresser les frontières entre la physique et la chimie, entre l’élaboration théorique et les applications pratiques, entre les laboratoires universitaires et ceux des entreprises.
Pierre Lepape
